Communiqué du bureau interprofessionnel de la CNPL du 18 janvier 2016. Le Bureau Interprofessionnel de la Chambre Nationale des Professions Libérales a pris connaissance, avec émotion, de la condamnation à des peines d’emprisonnement ferme de 8 syndicalistes de l’entreprise GOODYEAR. Cette condamnation appelle une réflexion sérieuse sur la pénalisation de l’action syndicale. Sans se prononcer sur le principe de culpabilité et de responsabilité pénale, qui demeurent l’apanage du juge judiciaire, la Chambre Nationale des Professions Libérales entend rappeler, à la veille du vote par le Parlement d’une nouvelle réforme de la procédure pénale, les principes constitutionnels, légaux et supra-légaux, qui gouvernent la justice pénale et qui figurent parmi les fondements d’un Etat Républicain : Sur le plan : Des principes constitutionnels : Dans sa décision n° DC 2005-520 du 22 juillet 2005, le Conseil Constitutionnel rappelant l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, intégré au préambule de la Constitution, et ayant à ce titre valeur constitutionnelle, a consacré l’individualisation des peines.Le Conseil Constitutionnel avait alors été saisi par 60 Parlementaires socialistes, parmi lesquels Monsieur Manuel VALLS.Le Principe donc, peut être atténué par la Loi. Il ne peut pas l’être par le juge. Ainsi le Juge a le devoir d’individualiser la peine et de la mettre en harmonie avec la personnalité du responsable pénal. La juridiction suprême avait dans une décision ultérieure (9 aout 2007) atténué ce principe en disposant qu’il ne saurait faire obstacle au pouvoir du Législateur assurant une répression des infractions. De La Loi Organique : L’ordonnance n° 58-1270 du 22 Décembre 1958, portant Loi Organique relative au statut de la Magistrature, dispose en son article 5 que : « Les Magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice. A l’audience leur parole est libre « . De la loi : Reprenant les engagements pris par le Président de la République dans le cadre de la campagne présidentielle de 2012, le Parlement a adopté la Loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013, laquelle, en son article premier, modifiant l’article 30 du Code de Procédure pénale disposant désormais que « le Ministre de la Justice conduit la politique pénale et veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République. Il adresse à cette fin aux magistrats du Ministère public des instructions générales. Il ne peut leur adresser aucune instruction dans les affaires individuelles. La loi n° 2014-896 du 15 aout 2014 relative à l’individualisation des peines est encore venue renforcer le caractère fondamental de l’individualisation de la peine.Présentant cette loi, la Garde des Sceaux, Madame TAUBIRA, déclarait : « Le droit de la peine a été modifié à de très nombreuses reprises ces dernières années, souvent au gré de l’actualité et sans cohérence d’ensemble. Il est devenu particulièrement complexe, parfois contradictoire et pour partie contestable au regard des principes qui le régissent, notamment le principe de l’individualisation de la peine « Du Code pénal : L’article 132.19.1 du Code Pénal, précisément modifié par la loi « TAUBIRA » du 15 aout 2014, est très explicite : »en matière d’emprisonnement, une peine d’emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu’en dernier recours si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate« . Voici quel est, en l’état, le Droit positif lequel amène déjà à une réflexion qui s’impose à tous, en matière politique pénale. Tout d’abord, sur les faits connus et publics concernant l’affaire elle-même : Selon les indications données à la barre par l’inspectrice du Travail : celle-ci avait alerté sa direction sur l’état de santé moral et physique des salariés mis en état de sous activité. De même le rapport du Comité d’hygiène et de Sécurité des Conditions de travail relevait le chiffre dramatique du suicide de 14 salariés en deux ans. Ce sont là des données de fait qui amènent à réfléchir sur une sanction qui se veut exemplaire ainsi que l’avait indiqué le parquet, et alors même qu’il n’y avait plus de plaignants… Il n’appartient pas aux Tribunaux de définir, dans un contexte d’hypermédiatisation, la norme applicable en matière de débordements dans le cadre de conflits sociaux. Cette décision ouvre tout au contraire, de façon superficielle par son caractère excessif, une réflexion qui appartient aux pouvoirs publics, en application des règles Constitutionnelles et légales, telles que rappelées ci-dessus. Elle permet tout aussi de poser de bonnes questions quant à la politique pénale en matière de délits économiques et financiers, et de constater par exemple : La timidité des parquets en matière d’infractions financières, lesquelles ont trop souvent pour conséquence des destructions d’entreprises, d’emplois et des drames humains, Une absence de poursuite dans des dossiers où l’usage de la violence contre les biens a été caractérisée et importante ; la destruction des portiques de l’éco-taxe par exemple. La justice spectacle est la plus mauvaise réponse que l’on puisse apporter aux questions posées. Avec la montée des précarités et du chômage, avec la financiarisation accrue de l’activité économique, le sentiment qui pourrait être donné d’une justice à deux vitesses, différente « selon que vous soyez, puissants ou misérables« , ne peut qu’aggraver le malaise social de notre pays, en poussant certains à la révolte, les autres dans les bras des extrémistes. La réforme de la procédure pénale qui doit venir prochainement devant le Parlement pourrait consacrer un chapitre de la loi nouvelle au traitement infractions économiques, sociales et financières. Cela renforcerait chacun dans l’idée d’une République équitable, exemplaire et Juste, telle est la conviction de la Chambre Nationale des Professions Libérales. Le bureau de la Chambre Nationale des Professions Libérales